Gérard Cambon fait-il les poubelles ou les marchés aux puces, Mystère. C’est que l’activité essentielle de l’artiste consiste à ramasser les différents détritus et rebuts urbains et à les assembler dans ses objets-tableaux. Quoiqu’il en soit, si Cambon s’approvisionne en France, son système plastique fait penser au bricolage pratiqué dans les pays qu’on nomme avec condescendance le tiers monde.Tout voyageur qui a fréquenté le continent africain retrouve ici cette capacité extraordinaire qu’ont les habitants de réparer avec trois fois rien. Réparer par nécessité mais aussi créer divers assemblages, fétiches ou sculptures , qui évoquent un imaginaire archaïque et mystérieux. Les « fétiches » de Cambon sont de type différent, plus proches de notre culture, ce sont essentiellement des objets plus ou moins familiers mais qu’on connait uniquement dans leur version moderne: un ancien téléphone, un soufflet, une seringue de vétérinaire, un extincteur, une lampe électrique…

Métamorphosés mais encore reconnaissables, ces objets désuets se transforment en « voitures-hybrides », en machines d’inutilité publique. un souvenir lointain du début du siècle passé avec ses inventions mécanique spectaculaires, ses stéréotypes jamais aboutis, ses machines volantes échouées et un zeste de Jules Vernes… En réalité, ces voitures font penser aux grosses cylindrées américaines qu’on croise à cuba, à défaut des pièces d’origine manquantes, les cubains les fabriquent eux-mêmes avec les moyens du bord. Gageons que dans quelques années, elles vont servir de matière première pour les œuvres de Cambon.

D’autres « assemblages urbains » sont faits à partir de la chair de la ville. des morceaux de bois, de ferrailles, de gravats, récoltés au cours d’errances dans la ville deviennent d’étranges bâtisses ornées de cages ou de balcons. A partir de ces « postes de commande » de petites figurines forment des grappes qui se penchent en avant et observent avec beaucoup d’attention un spectacle qu’on ne connaitra jamais et qu’on ne peut que deviner.

Voitures, maisons, texture urbaine mais qui est bien loin de l’architecture standardisée de nos cités. On est ailleurs, loin d’une société sophistiquée mais anonyme, solitaire… Ici l’artiste compile, amasse et recycle sans fin les déchets de cette société, devient ce ferrailleur ou ce chiffonnier d’un type nouveau qui rappelle le portrait que Baudelaire fait de Thomas de Quincey dans Du vin et du haschich: « voici un homme chargé de ramasser les débris d’une journée de la capitale. Tout ce que la grande cité a rejeté, tout ce qu’elle a dédaigné, tout ce qu’elle a brisé, il le catalogue, il le collectionne ». Et métamorphose…