La Galerie Béatrice Soulié expose Gérard Cambon. Mon rhume recommençant à zéro, je ferais bien de m’en tenir là. Akkisuitok est le genre d’expo qui mérite mieux qu’une ramollo du cerveau. Seulement quand je trouve un mot qui me résiste, faut que je le ronge comme un os. «A qui suit : toc!» (avertissement), «Akki-suie, O.K.» (enseigne de ramoneur)? Rien de tout ça. Akkisuitok a une petite gueule de moufles et d’anorak. Akkisuitok est inuit.
Cela signifie qu’on s’abstient de donner une réponse. Ce dont j’aurais pu m’apercevoir en lisant le carton d’invitation de l’expo au lieu de me goinfrer de lexiques eskimos sur internet. Ces Inuits quand même, ce qu’ils sont zen! Et Gérard Cambon, à ce compte-là, il est zen aussi. Je veux dire qu’il fait de la résistance douce. Pas le genre à nous servir des réponses toutes faites sur un plateau.
Pas le genre non plus à se la jouer plus énigmatique-tu-meurs. Ses assemblages, ce qu’il appelle ses «pièces» se contentent d’exister et c’est plus que pas mal. De ce point de vue c’est un expert de la construction d’ambiances qu’il ne se croit pas obligé de faire dégénérer en théâtre. La vétusté, la fragmentation, le désordre calculé qui n’a pas l’air d’un ordre j’m’en-foutiste, lui sont cher. Cambon se débrouille pour être de la famille de Louis Pons avec d’autres moyens que la composition solide et lyrique qui est à la base de la plupart des compositions de son grand aîné. Il file plus doux, plus furtif, en naviguant entre la rouille des vieilles pub, le liège des choses flottées, la poussière des temps. Mais sans chercher les rencontres dramatiques (rats, becs d’oiseaux morts etc.) ni la précision géométrique d’une Yolande Fièvre bien qu’il touche comme elle à la profondeur des plans.C’est efficace mais autrement. Les petites créatures «à-la-mie de pain», qu’il penche aux balcons vermoulus d’on ne sait quelles tribunes, renforcent cette impression poétique de ruse innocente avec le «grand genre». Qu’elles ne soient jamais abouties est une caractéristique qui en signe l’humanité. Allez voir l’expo qui baissera le rideau le samedi 3 avril (déjà). Les images que je vous jette en pâture et qui proviennent du dossier de presse n’étant (astucieusement) que des zakouskis. Dans ce dossier, l’artiste nous parle de son boulot et aborde la question de l’art brut avec lequel, bien qu’autodidacte, il ne fait que flirter (plutôt gentiment, ma foi).Depuis une quinzaine d’années, la Galerie Soulié suit une voie étroite qui passe entre le derme de l’art brut et l’épiderme de l’art singulier (mauvaise graisse non comprise). Gérard Cambon qui a déjà, dans le passé, occupé ses cimaises mais que je découvre pour ma part, est peut-être bien un représentant des plus purs de ce courant original que mon blogounet brut ne saurait brutalement ignorer